Inès-Noor Chaqroun mêle une profonde célébration des aspects les plus intimes de la vie avec le deuil de la perte de son grand-père survenue il y a six ans, créant une approche duale unique qui fait d’elle une étoile montante de l’art contemporain marocain. Jusqu’au samedi 2 décembre 2023, les amateurs d’art contemporain peuvent visiter la Galerie 38 à Casablanca pour découvrir l’exposition “O(H)VARY”, présentant les dernières œuvres de l’artiste de 31 ans, dont ses premières installations de poteries. Ses tableaux, comme elle les décrit, servent à exorciser ses démons personnels, en particulier le spectre de la mort qui la hante depuis le décès de son grand-père paternel, l’écrivain, dramaturge et journaliste Abdellah Chaqroun, en novembre 2017. Inès-Noor, également connue comme la fille de la femme d’affaires et ancienne présidente de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), Miriem Bensaleh-Chaqroun, utilise l’art comme une forme de thérapie.
Cette pratique cathartique lui permet également de célébrer la vie à travers des couleurs “douces et joyeuses”, tout en reconnaissant son caractère éphémère. Elle emploie des images telles que le corps de la femme, notamment le ventre, le visage et le sein, qu’elle voit comme des symboles à la fois de la vie et de la mort. “Nous venons tous d’un ventre, et tout ce qui s’y passe est si fascinant, complexe et impactant,” confie-t-elle. Avant d’embrasser le chemin de l’expression artistique, Inès-Noor menait une vie conventionnelle à Paris, où elle s’est installée à 18 ans pour étudier le droit. Après avoir obtenu une licence, elle a poursuivi ses études dans une école de commerce, obtenant un master en audit-gestion, et a travaillé comme chef de produit pour une marque de luxe à Paris, vivant une vie rythmée par la triade “métro, boulot, dodo”.
Le moment décisif est venu avec la mort de son grand-père, ce qui l’a amenée à réévaluer la direction de sa vie. Inès-Noor a quitté Paris pour un long voyage, en quête de quelque chose de plus. Ses voyages l’ont menée de Paris à Florence en passant par la Tanzanie, où elle a repeint une école pour enfants. Peu à peu, elle a repris la peinture, une passion de son enfance. “Je n’allais pas bien. J’étais malade mentalement. Ne sachant pas quoi faire,” se souvient-elle. En janvier 2019, elle a rejoint le prestigieux Berlin Art Institute et est retournée au Maroc un an plus tard.
En définissant son œuvre, elle dit : “Je crée. J’accouche d’œuvres formées presque inconsciemment car mon approche artistique est celle de la liberté de création, basée sur l’énergie et les émotions qui émanent de moi vers la toile, le papier, le mur, la terre, peu importe : l’objet inanimé qui se présente à moi au moment de peindre. C’est un dialogue silencieux entre l’artiste et son support, donnant lieu aux formes, couleurs et éléments de l’œuvre finale, que j’appelle mes bébés.”
Pour l’avenir, Inès-Noor prévoit de reprendre ses voyages, cherchant de nouvelles résidences d’artistes, avec un intérêt particulier pour le Sénégal. “Je souhaite explorer mon moi intérieur en m’immergeant dans l’univers sénégalais. Rencontrer la mer, la terre, pour créer une œuvre enrichie par les rencontres, les énergies et la culture d’un autre lieu, notre mère. Toucher la terre tout en ne délaissant jamais la peinture à l’huile, si imprévisible, avec laquelle j’ai une connexion physique éternelle,” explique-t-elle.
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